Thursday, November 27, 2008

Décès de Jean Markale

Je viens d'apprendre la nouvelle. Jean Markale est parti pour Ynis Avallach le 23 novembre 2008, quittant Auray et la terre des hommes. Il avait 80 ans.

Je l'avais rencontré, trop brièvement, lors d'un Salon du Livre de Paris, voici presque 10 ans, alors qu'il dédicaçait sur le stand Pygmalion. J'ai donc sa signature, avec un petit mot gentil, sur son ouvrage sur les Gaulois. Mais, nouée par la timidité, je n'avais pas osé lui dire tout ce qu'il représentait pour moi...

Cet homme est un de ceux auxquels je dois beaucoup. Ses écrits sur les Celtes m'ont ouvert des pistes lumineuses vers moi-même. Récemment, je lui avais envoyé, en matière d'hommage, mon roman Les Débris du Chaudron, qui n'aurait jamais existé si je n'avais pas lu ses essais et travaux. Je caressais un rêve : qu'il trouve le temps de le lire, et que nous puissions échanger quelques lettres. J'avais envie qu'il soit fier de cette quasi-disciple qu'il ignorait avoir. Mais son état de santé n'a pas permis que ce rêve se concrétise.

Ce soir je suis en larmes. Pour moi, pour ses proches, pour mon amie Céline Guillaume, écrivain, dont il était devenu le grand-père de coeur. Dans l'un de ses derniers livres, paru chez Ouest France, et que j'ai acheté voici peu, Jean Markale défendait la place de la Wallonie dans le monde celte. Lire ceci m'avait fait un bien fou. C'était un peu comme légitimer la non-bretonne que je suis (une tare, aux yeux de certains, puisqu'à ce titre on m'a même interdit d'étudier le breton).

C'est un grand monsieur qui est parti. C'est un grand monsieur que les Belles Gens accueillent désormais à leurs côtés.

Saturday, November 15, 2008

Chant dessus dessous

(Ecrit pour partie à la gare de Rennes et pour partie à Ozoir-la-Ferrière, aux heures d'attente littéraire, sur un grand bloc de feuilles quadrillées, avec une petite musique me trottant dans la tête) :

Je sais l'orage à la fontaine
Et l'aile imprégnée de sang noir,
Le soupir de la châtelaine
Errant en ruines de manoir,
Je sais le cri de l'épousée
Drapée dans le blanc du linceul,
Et le regard trop aiguisé
Guettant l'enfant voyageant seul.

Je sais le temps qui va dessus,
J'entends les gens qui vont dessous,
Je sais combien sont tant déçus,
Tout ce qui meurt et se dissout.

Je sais la nuit dans le soleil
Et le corbeau privé de blanc,
Le Diable écorchant les orteils
A l'assemblée des faux semblants ;
Je sais où vont les enragés,
Le sang jailli des quatre veines,
Et le grand sourire égorgé
Que Dieu conserve en son haleine.

Je sais le temps qui va dessus,
J'entends les gens qui vont dessous,
Je sais combien sont tant déçus,
Tout ce qui meurt et se dissout.

Friday, November 7, 2008

J'étais là, pourtant.

J'étais là, mais ils ne m'ont pas vue.

Trop de monde, pour certains.

Volonté délibérée de m'ignorer, pour d'autres.

J'étais là, ils m'ont vue mais cela n'a pas vraiment compté.

Les souvenirs se sont construits sans moi. Les compte-rendus ne me mentionnent pas.

Pourquoi ?

J'ai une explication.

En réalité, j'étais là-bas sans y être. Vous savez ? Un pied dans votre monde, un autre dans le mien.

En réalité, il faut posséder un appareil photo magique pour être capable de fixer mon image sur la pellicule.

En réalité...

C'est stupide, n'est-ce pas ?

Je suis juste une personne exclue parce qu'elle n'appartient à aucun clan, parce qu'elle ne comprend jamais les private joke, parce que ses propres tentatives d'humour tombent le plus souvent à plat, parce qu'elle ne reconnaît pas la moitié des visages des personnes qu'elle croise, ou plus exactement ne sait pas associer les noms croisés sur le net à ces visages flottant dans la foule... du coup, comment approcher ceux qui sont encore, pour moi, des inconnus ?

Je me sens seule, constamment, et plus encore dans ce genre de manifestations qui grouillent de monde. J'ai bien conscience d'avoir une nature profondément mélancolique et rêveuse, déconnectée, fragile et même timide (si si). Je ne suis pas quelqu'un de moderne, je n'ai pas ce piquant, ce mordant, ce "chien" qui attirent et retiennent l'attention. Je me sens souvent vergognée, comme lorsque ma jupe s'est retrouvée coincée sous la chaise de Lucie, quand je me suis levée. J'avais envie de fondre en larmes mais j'ai réussi à m'écrouler de rire. A détourner l'attention, comme souvent. Personne n'imagine à quel point j'ai appris à faire semblant pour dissimuler ma souffrance constante. Faire semblant d'être normale, d'être intégrée, alors que je ne suis ni l'un ni l'autre. Faire semblant de ne pas être blessée quand on me balance en plein visage qu'une moitié de moi-même n'existe pas, quand on me vante la Banalité comme modèle à suivre, alors que mon être n'aspire qu'au rêve et au désincarné.

Je supporte mal mon corps et les contingences matérielles. Je ne suis pas un pur esprit (hélas, aurais-je envie de dire). Alors peut-être que ces gens qui ne me voient pas, finalement, ne cherchent qu'à me faire plaisir. A m'aider à ne pas exister tout à fait dans le monde concret. M'aider à comprendre plus intimement ce que c'est qu'appartenir à l'invisible.

Peut-être qu'un jour, après ma mort, je deviendrai un fantôme.

Alors qui sait ? Tout ça pourrait constituer un excellent entraînement ! ;op

Monday, August 11, 2008

Regrets

Quelques mots jetés, qui atteindront qui ils pourront.

A tous ceux que j'ai pu offenser un jour, délibérément ou pas. Tous ceux avec lesquels je me suis fâchée, tous ceux qui sont sortis de ma vie par ma volonté ou la leur...

Je veux leur dire que je regrette. Tellement. Je regrette les souffrances mutuelles, et le vide qui s'est créé, et les murailles infranchissables.

Je regrette de ne plus pouvoir songer à eux sans éprouver de la colère, de la déception ou de la nostalgie. Je suis saturée de ces sensations-là, je voudrais retrouver les bons moments passés ensemble, la complicité, la confiance réciproque.

Mais la fragilité du psychisme humain impose de se protéger lorsqu'on a été blessé, trahi.

Alors je sais bien qu'il est impossible de faire machine arrière, de réparer tout ce qui a été brisé.

Le pardon ne fonctionne pas toujours très bien.

C'est dommage.

Friday, August 8, 2008

White Lament


Hache au mitan du ciel
Fragments de lune éteinte
Un feu pestilentiel
Offre une ultime étreinte
Un baiser de bûcher
Le lien de leurs prières
La vie a trébuché
De fange en fondrière

Commune et sombre en basse-fosse,
Mourez, enfants, dans mon chaudron,
Le sang, la cervelle et la sauce…
Vivront tous ceux qui le voudront !
Commune et sombre en basse-fosse,
Jetés en tas dans mon giron…
Que le cordonnier se déchausse !
Où sont les rois qui m’aimeront ?

Chair et cendres mêlées
Balayées par l’haleine
Et l’aile auréolée
D’un dieu de porcelaine
Tous les os sont jetés
Dans les plis de mon ventre
Où les impuretés
Des humains se concentrent

Commune et sombre en basse-fosse,
Mourez, enfants, dans mon chaudron,
Le sang, la cervelle et la sauce…
Vivront tous ceux qui le voudront !
Commune et sombre en basse-fosse,
Jetés en tas dans mon giron…
Que le cordonnier se déchausse !
Où sont les rois qui m’aimeront ?